Le Monte Mottarone culmine à 1492 mètres et se classe ainsi au rang des montagnes de moyenne altitude. Toutefois, sa situation privilégiée «d’avant-poste solitaire » entre le lac Majeur et le lac d’Orta ne peut qu’enthousiasmer les amateurs de panorama, même les plus endurcis. En 1954, le New York Times classait le Monte Mottarone au rang des dix points de vue les plus fascinants du monde. En Italie, il porte également le sobriquet de «montagna dai panorami fantastici». La vue qui s’offre aux yeux des randonneurs est particulièrement remarquable lorsque la pluie et le vent ont balayé le smog routier et industriel de l’Italie du Nord et que le soleil y brille à nouveau. On distingue alors clairement la partie ouest de l’arc alpin qui «vire» vers le sud, au-delà de la plaine du Pô.
On croit volontiers sur parole les habitants du cru qui prétendent que, par temps clair, ils ont pu distinguer les tours et les flèches du Dôme de Milan et, par la même occasion, les effets de la courbure de la terre. Ce n’est pas un hasard si d’aucuns qualifient le Mottarone de Rigi italien. L’alpiniste et politicien tessinois Federico Balli s’y référa en ces termes: «Le panorama du Rigi est austère, celui du Mottarone est riant. Je me rendrai sur le Rigi le jour où je serai fatigué de vivre, sur le Mottarone pour y faire mon voyage de noces.»
Mais le Mottarone se prête bien à la randonnée aussi. Plusieurs itinéraires y mènent. En fait de montagne, le Mottarone est bien davantage une chaîne d’une vingtaine de kilomètres de long, comportant plusieurs sommets annexes, et qui s’étend de l’embouchure du Toce jusque dans la province de Novare. Pour les voyageurs en train, Stresa est un excellent point de départ pour se lancer à sa découverte. Sa partie inférieure, peu attractive pour les randonneurs, se parcourra avantageusement en téléphérique, ce qui permettra de contempler tout de suite le lac Majeur et les îles Borromées.
L’ancien train à crémaillère
Le téléphérique date de 1970. De 1911 à 1963, un train assurait le transport des touristes jusqu’au sommet. Tout premier train à crémaillère d’Italie, le FSM (Ferrovia Stresa-Motta rone) avait même deux stations de plaine: une à la gare de Stresa et l’autre au port. Ses motrices jaunes, sorties des ateliers de la Société suisse de construction de locomotives et de machines à Winterthour, mettaient 1h15 pour couvrir les dix kilomètres du tracé. S’élever vers le sommet en toute quiétude devait assurément être un vrai délice. Les amoureux du chemin de fer en gardent la nostalgie. En pleine euphorie automobilistique des années 60, beaucoup estimaient que le train était un moyen de transport désuet et non rentable. La commune de Stresa demanda alors au FSM d’enlever les rails des rues pour faire de la place aux voitures.
Depuis la station intermédiaire du téléphérique, un itinéraire conduit directement au Mottarone. Dans sa partie supérieure, il emprunte le tracé de l’ancien train. Toutefois, un crochet par le Monte Zughero en vaut la peine. Au début, le chemin de terre suit la courbe de niveau en direction du nord. Il traverse plusieurs ruisseaux, puis, au bout d’une heure seulement, se met à grimper abruptement. Le Zughero (qui culmine à 1230 mètres), avec sa croix métallique et son livre d’or, est le premier véritable point de vue sur le lac Majeur. Cet éperon de roche rougeâtre, aux profondes échancrures arrondies, a des allures de pachyderme.
On traverse ensuite un petit vallon qui nous mène au Rifugio Alpe Nuovo, sur l’autre flanc, pour atteindre le sommet une demiheure plus tard par un long dos d’âne. Là, les randonneurs devront se partager un décor de pylône et d’antennes avec les touristes qui immortalisent le panorama – et leur propre visage – avec leur smartphone. Des adeptes de la luge sur rails se laissent glisser le long des installations du «Alpyland» jusqu’à la station du téléphérique, 120 mètres en contre-bas. C’est là, d’ailleurs, que se trouvait le terminus du train à crémaillère, à côté du Grand Hôtel – autre attraction disparue. Dès son ouverture en 1884, le noble établissement recevait de l’Europe entière une clientèle aristocratique en quête d’air pur et frais.